En voulant visionner des cassettes VHS achetés d’occasion et en testant des bandes vidéo Ampex que j’avais récupéré avec un vieux magnétoscope Akai VT-700, je me suis rendu compte que celle ci se mettaient à coincer dans l’appareil au bout d’un moment ou très rapidement tout en laissant des dépôts là où la bande magnétique passait.
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Il fallait ensuite nettoyer soigneusement car le matériel de lecture était devenu inutilisable, même en mettant une bande vidéo en bon état.
Ces problèmes ont généralement pour cause une dégradation de la bande magnétique, appelée syndrome sticky-shed, dû à l’absorption d’humidité dans le liant (colle) entre le matériau magnétique et le support de la bande en polyester.
Le back-coating, un revêtement sur la partie extérieure de la bande, présent sur certaines bandes professionnelles, est aussi concerné.
Certains bandes, comme celles de la marque Ampex, sont connues pour avoir ce problème.
Dans des cas extrêmes, le matériau magnétique peut carrément se détacher laissant juste le support de la bande, un simple ruban transparent.
A ce moment là, l’enregistrement est perdu …
Pourquoi je parle d’« expérimentations » dans le titre de cet article ?
Parce qu’il n’existe pas de méthode précisément définie et ni de matériel spécifique dédié pour faire cela.
De ce que j’ai pu voir sur Internet lors de mes recherches, chacun y va à sa propre sauce.
Je n’ai d’ailleurs pas trouvé de dénomination francophone pour ce traitement. Dans les contenus anglophone, on parle de « baking tape ».
Je ne suis pas un professionnel dans le domaine de la numérisation ni de l’archivage audiovisuel et je n’ai pas des centaines de bandes concernées par ce problème.
Mais je veux quand même pouvoir les numériser pour conserver leur contenu.
J’ai donc voulu tenter d’essayer de remédier à ce syndrome avec du matériel à moindre frais.
Cet article relate donc ce que j’ai pu tester et les résultats que j’ai obtenu.
La procédure habituelle constatée consiste à mettre les bandes dans un compartiment diffusant de l’air chaud et sec à une température entre 50 et 60°C pendant plusieurs heures.
Certains utilisent des fours professionnels, d’autres de simples déshydrateurs de fruits et légumes.
Cela semble fonctionner mais cette solution est temporaire le temps de faire une numérisation.
En effet, le problème peut revenir au bout de quelques années comme au bout de quelques mois voir quelques jours.
Il est donc important de procéder à la numérisation de ces bandes peu après leur traitement.
Les anciennes bandes avec un support acétate ne peuvent pas être traités avec ce procédé car elles risquent de prendre feu avec la chaleur.
Je ne sais pas de ce qu’il en est des toutes premières bandes magnétiques avec un support en papier. Ce serait amusant de voir ce que ça donne justement sur un ticket de métro Parisien. :D
Pour commencer mes expérimentations, j’ai commandé un déshydrateur de fruits et légumes à environ 50€ sur Amazon !
Les informations de cet appareil indiquent qu’il peut produire une chaleur constante entre 40 entre 70°C entre 1h et 48h.
Et vu que c’est un déshydrateur, il génère un air chaud et sec.
De ce que j’ai pu voir en ligne, certains ont obtenu de bons résultats avec ce genre d’appareils.
Donc on va voir ce que ça donne !
J’ai fait un premier test en mettant des cassettes audio en bon état (non atteintes par le syndrome) dans l’appareil pendant 4h avec le thermostat à 55°C afin de vérifier qu’elles n’allaient pas être détériorées.
Au début, quand j’ai vu qu’il fallait mettre les bandes magnétiques à une certaine chaleur pour les traiter, cela m’a paru étrange car j’ai toujours entendu dire qu’il valait mieux éviter de mettre les bandes magnétiques à la chaleur, comme sur le tableau de bord d’une voiture à une époque, qui pourrait justement les abîmer.
Mais là il s’agit d’une chaleur modérée, temporisée et contrôlée.
Après les 4h passées, j’ai laissé les cassettes revenir à température ambiante puis je les ai testé sur mon magnétophone.
Aucune dégradation constatée ! Elles ont bien supporté la chaleur.
Ensuite je suis passé à un vrai cas : celle d’une bande vidéo Ampex 1/4" qui était venue avec mon magnétoscope Akai VT-700.
Je n’avais littéralement aucune idée de ce qu’il pouvait y avoir dessus. La boite avait juste une étiquette avec écrit « A effacer ».
A la lecture sur le magnétoscope, elle laissait des dépôts de back-coating et de matériaux magnétique.
Avec ce que j’avais vu chez d’autres expérimentateurs, j’ai décidé de la laisser dans le déshydrateur pendant 10h.
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La bande laissait moins de dépôts mais en laissait toujours pas mal.
J’ai donc remis la bande à « cuire » pendant 48h.
Là maintenant je commence à tester mes propres durées de traitement.
Un peu après avoir lancé à nouveau le traitement, j'ai commencé à avoir des doutes sur le thermostat.
J’ai remarqué que l’air qui sortait par les trous d’évacuation de déshydrateur n’était pas très chaude mais juste chaude.
Je me suis alors posé la question si le thermostat était bien calibré ou au moins relativement bien pour du matériel grand public et si j’avais vraiment 55°C d’air chaud qui était produit ...
J'ai donc mis un thermomètre dans l'appareil pour le vérifier.
Il m'indiquait 41°C !
C’est énorme cependant ce thermomètre est plutôt prévu pour la mesure dans des liquides.
En temps normal, je me sert pour mesurer la température des chimies en développement argentique et il fait très bien son travail dans cette situation.
J’ai donc commandé un thermomètre avec une sonde qui peut mesurer la température de l’air ambiant.
Avec celui-ci j'ai obtenu une mesure à environ 46°C pour un réglage de thermostat à 55°C.
Je ne m’attendais pas à ce que le thermostat de mon déshydrateur soit aussi mal calibré !
Avec +/-3°C, je me serais dit « ok » pour du matos grand public avec réglage électronique. Mais là c’est -9°C !
J’ai décidé d’attendre que les 48h se terminent pour voir si la durée du traitement avait fonctionné.
Puis si c’est nécessaire de recommencer, je ferai en montant cette fois-ci le thermostat jusqu’à obtenir la bonne température sur le thermomètre.
Si ça se passe bien en me basant sur la température de ce dernier, je pense que je regarderais plus tard s'il est possible de recalibrer le thermostat.
Après il est possible de rester avec juste le nouveau thermomètre et continuer d'ajuster le thermostat en fonction de la mesure obtenue.
Lorsque je parlais de mes expérimentations du traitement sur Twitter, on m’a fait la remarque suivante : Qui me dit que le thermomètre que j’ai acheté est fiable ?
C’est un petit thermomètre pas cher acheté sur Amazon également et ce n’est pas un thermomètre professionnellement calibré.
Il y a un référentiel de température que tout le monde connais pour le vérifier : l’eau qui bout à 100°C à une pression atmosphérique de 1013 hPa au niveau de la mer.
Je ne savais pas si la pression atmosphérique était à cette valeur sur le moment et je n’étais pas au niveau de la mer mais il y avait normalement peu de chances que je sois très éloigné des 100°C.
Protocole de test :
J’ai mis de l’eau à bouillir et j’ai attendu que la température se stabilise complètement.
La sonde de température est maintenue à peu près à la moitié du niveau de l’eau.
Résultat :
Le thermomètre me donne 100,5°C
Je pense qu’on peut dire qu’il est bon :)
Complément :
J’aurais pu également vérifier que le thermomètre indique bien 0°C lorsque l’eau glace mais je me suis arrêté là.
Une fois que le traitement de la bande à 46°C au lieu de 55°C pendant 48h a terminé, j’ai à nouveau attendu que celle ci se remette à température ambiante.
Résultat :
Avec un test de lecture pendant environ 5 minutes, le back-coating ne laisse plus de dépôts.
C’est déjà bien, c’est lui qui en laissait le plus.
Par contre la surface magnétique en laisse toujours mais moins.
Vu la température de traitement n’était pas tout à fait la bonne, j’ai refait le test avec les cassettes audio en bon état en étant cette fois ci à vraiment 55°C.
Résultat :
Les bandes n’étaient toujours pas détériorées à cette température.
J’ai alors remis la bande vidéo Ampex 1/4" en traitement pendant 24h à la véritable température de 55°C.
Après avoir attendu à nouveau que celle ci se remette à température ambiante, je l’ai mise dans le lecteur et appuyé sur « PLAY ».
Après plus de 2h de lecture, la bande s’est terminée sans le moindre problème puis le rembobinage a très bien marché !
Aucun dépôt n’a été constaté sur les têtes ou ailleurs !
Le traitement a donc fonctionné pour cette bande ! :)
La bande a pu être lu et mettre d’ailleurs à jour un enregistrement en 819 lignes !
La bande passe par un Akai VT-100s car mon Akai VT-700 n’avait pas son électronique restauré
au moment de la tentative de lecture. Il fonctionnait bien que mécaniquement.
Résultat :
Le traitement a très bien fonctionné pour elle aussi !
La bande a pu être lue également et mettre d’ailleurs à jour un autre enregistrement en 819 lignes !
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On peut dire désormais que ce procédé de traitement du syndrome sticky-shed est VALIDÉ !
Petite précision concernant le déshydrateur :
Vu qu’il reste un appareil non dédié à la base pour ce genre d’utilisation et n’ayant pas un thermostat de très bonne qualité comme on a pu le constater, la température à l’intérieur de son enceinte peut varier entre 52 et 55°C.
Le changement de température n’est pas brutal durant le fonctionnement. Cela se déroule sur plusieurs dizaines de minutes. Cependant je ne pense pas que cela puisse causer de problème.
J’ai laissé un plateau vide tout en bas de l’empilement de plateaux sur le déshydrateur pour que l’air qui sort du système de chauffage circule plus facilement.
Comme première application de ce procédé pour pouvoir numériser par la suite des bandes vidéos sur le moment illisibles, j’ai eu à traiter une dizaine de cassettes Umatic.
Ces cassettes datent des années 80 et proviennent de la société Digital Productions que Thomas Martin alias Gorkab, un vidéaste passionné de l’histoire de l’utilisation d’images de synthèse au cinéma et auteur de la série CGM sur Youtube, m’a confié en vue de les numériser pour son projet de documentaire « Digital Pionneers » sur cette société ayant travaillé sur les films tel que Labyrinth (1986) de Jim Henson, The Last Starfighter (1984) de Nick Castle et d’autres ainsi des clips vidéos et des spots publicitaires.
Il y avait plusieurs marques/modèles de cassettes dans ce lot : des Ampex 187, Fuji ainsi qu’Agfa.
Afin de déterminer le temps nécessaire de « cuisson », j’ai commencé avec une seule cassette.
Et pour le traitement soit plus efficace, j’ai ouvert les cassettes et mis uniquement les bobines de bande vidéo dans le déshydrateur.
La hauteur des plateaux du déshydrateur est juste à la bonne taille pour des bandes Umatic !
J’ai lancé ensuite l’appareil à environ 55°C pendant 24h.
Après que les 24h soient passés, j’ai laissé les bandes redescendre à température ambiance pendant 2h puis j’ai remis les bobines dans leur cassette.
Insertion de la cassette dans le lecteur entièrement nettoyé à l’alcool isopropylique au préalable, lecture et la cassette a pu être lue et numérisée dans le moindre problème !
24h de traitement ont suffit.
J’avais une assistance technique de qualité pour m’aider ! :D
Je me suis occupé ensuite des autres cassettes en tentant désormais de traiter plusieurs bandes à la fois.
J’ai fait jusqu’à 8 bobines issues de 4 cassettes Umatic en simultané. Cela prenait la place de 2 plateaux.
Le déshydrateur a eu plus de difficultés à faire monter la température dans l’empilement de plateaux.
Pour aider à faire monter la température, j’ai augmenté temporairement la température du thermostat de 5°C pour la redescendre à nouveau à celle habituelle lors que je me suis trouvé une température propre des 55°C.
Toutes les bandes ont pu être ensuite numérisés ... sauf une, celle de marque Agfa.
En parcourant les résultats d’autres expérimentateurs, les bandes de la marque sont apparemment très récalcitrantes.
Celle-ci, après avoir fait 24h de cuisson puis encore 48h, n’a pas pu être numérisée.
Elle salissait à nouveau les têtes vidéos au bout de 10-15 secondes de lecture ne donnant plus que de la neige à l’image.
Toutes les 2-3 cassettes, je faisait à nouveau un nettoyage. Il y avait encore quelques dépôts mais c’était minime comparé à avant.
Voici deux comparatifs d’avant et après traitement de bandes :
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Petit truc à faire attention avec les cassettes Umatic : il peut y avoir besoin de les nettoyer aussi de l’intérieur !
- La moisissure.
Celle ci est présente sur le côté de la bande seulement. Un passage avec un coton tige sec sur la bobine de bande enroulée suffit à en enlever la majorité.
- Une bande trop détériorée.
La, soit il fallait renettoyer les têtes vidéos puis repasser la bande jusqu’à obtenir quelque chose de correcte, soit il faut couper la bande pour retirer la section en mauvais état, soit utiliser une machine de nettoyage de bande. Je ne voulais pas couper le bande et je n’ai pas de machine permettant le nettoyage des bandes donc j’ai pris mon mal en patience avec le premier choix.
- Le « Loss of Lubricant (LoL) », soit la perte de lubrifiant
A l’intérieur des bandes magnétiques, il y a un lubrifiant permettant à celles ci de bien glisser partout où elle vont. Ce lubrifiant peut se détériorer et provoquer des dépôts blancs au lieu de noir là où passe la bande.
Avec ça, je vais pouvoir sauver certaines de mes bandes personnelles.
J’espère que ces informations pourront être utiles à d’autres. :)
D’autres informations intéressantes là :
- https://richardhess.com/notes/category/archive-operations/tape-aging/
- http://tasso.cat/re-lubrication-of-compact-cassette-tapes-with-sbs/
- https://twitter.com/Guru_Meditati0n/status/1506963545015132163